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maman-en-retraite
23 mars 2014

La grande chasse de Kolo-Kolo.

Ecoutez donc, ô mieux-aimés, l'histoire de la grande chasse de Kolo-Kolo, qui lui valut son surnom et la réputation d'être un homme d'une infinie ressource et sagacité.

Un beau matin d'été, Kolo-Kolo, qui ne s'appelait encore que Shàngdì Shèmiǎn, partit à la chasse avec sa carriole attelée de son fidèle mulet, Pí-jiǔ. La route était longue mais Pí-jiǔ avançait bien, et en milieu de matinée, Kolo-Kolo arriva sur son terrain de chasse favori. Il mit sa hotte sur son dos et dans sa poche un marteau et un curieux instrument de son invention, un Bu-Lin, il attacha Pí-jiǔ à un arbre, et suivit le ruisseau à sec qu'il arpentait le plus volontiers.

Il marcha longuement, s'arrêtant ici ou là, tapotant de son marteau à droite ou à gauche et se redressant chaque fois en grognant "Húxū !"

Soudain, il s'immobilisa, lâcha marteau et Bu-Lin et se pencha un peu en avant, les mains appuyées sur les genoux, tourné vers le bord du ruisseau. Il resta un long moment dans cette position puis, du bout du Bu-Lin, il creusa un peu autour d'un caillou qui dépassait du sol. Il sourit, se redressa, regarda attentivement autour de lui puis reprit sa route.

Le soir, de retour chez lui, Kolo-Kolo ne rapporta de sa chasse que deux Jiàn shí, (qu'on nomme "belemnites" en chinois moderne), mais il avait un air étonnamment réjoui pour une aussi piètre récolte.

Le temps passa et une année plus tard, Kolo-Kolo, qui ne s'appelait toujours que Shàngdì Shèmiǎn, repartir à la chasse. Cette fois, il était accompagné de Fille Aînée, il avait pris sa hotte la plus grande et la plus solide, une pelle, et il avait emprunté au forgeron du village, Zhèshì Zìdòng, un grand pieu en métal.

Pí-jiǔ, toujours fidèle, tira la carriole. Fille Aînée, sage et réservée, se taisait, sans oser questionner son très respecté père.

Arrivé au ruisseau, Kolo-Kolo prit hotte, pelle et pieu de métal tandis que Fille Aînée attachait Pí-jiǔ à un arbre. Puis ils remontèrent le ruisseau. Au bout d'un long moment, Kolo-Kolo ralentit et regarda plus attentivement le paysage. Il s'arrêta et dit à Fille Aînée : "Heureusement que j'avais pris des repères : un sapin mort à droite, et à gauche, un gros rocher avec une strate rouge en diagonale. Tu les vois ?" Fille Aînée repéra tout de suite le sapin ; le rocher était à trois pas derrière eux. Kolo-Kolo recula, se plaça exactement entre ses deux repères, et se tourna vers le bord du ruisseau. "Là", dit-il à Fille Aînée, "là, tu vois ?" Il lui montrait du doigt un gros bloc qui dépassait et qui présentait une bizarre pointe. "Je vois, vénérable père", répondit Fille Aînée, "mais qu'est-ce que c'est ?" – "Eh bien, ou je suis l'idiot du village, ou c'est la plus belle Hanti-Nia que j'aie jamais vue !"

Et sur ces mots, Kolo-Kolo se mit à creuser autour du caillou, le dégageant soigneusement de la boue qui l'enterrait aux trois quarts. Fille Aînée l'aidait de son mieux et le bloc finit par apparaître complètement. Alors Kolo-Kolo plaça sa hotte près du trou et, avec le pieu de métal, entreprit de soulever le bloc. Dès qu'il fut assez dégagé, Fille Aînée enfila la hotte dessus et Kolo-Kolo acheva de le sortir du trou.

A eux deux, ils redressèrent la hotte. Kolo-Kolo s'agenouilla, passa ses bras dans les lanières, prit appui sur le pieu de métal d'un côté, sur Fille Aînée de l'autre et lentement, se releva, la hotte sur les épaules. Puis il se mit en marche, à pas prudents et précautionneux, en s'appuyant sur le lourd pieu de métal comme une canne. Fille Aînée le suivait, terrifiée à l'idée de voir son père tomber car le rocher, qui devait bien peser 10.000 taels, lui aurait probablement cassé le dos !

Les célestes dieux du céleste ciel du céleste empire de Chine devaient déjà veiller sur Kolo-Kolo car il atteignit sans encombre la carriole, s'y adossa et y fit glisser hotte et rocher. Avec un grand soupir de soulagement, il se redressa de toute sa taille et dit à Fille Aînée : "j'ai l'impression d'avoir grandi d'un demi li !"

Ils remontèrent dans la carriole et Pí-jiǔ reprit sa marche, tandis que Kolo-Kolo allumait la longue pipe qui ne le quittait jamais.

Au village, tout le monde s'attroupa autour de la carriole et Kolo-Kolo répéta ce qu'il avait dit à Fille Aînée : "Ou je suis l'idiot du village, ou c'est la plus belle Hanti-Nia que j'aie jamais vue !"

Personne ne le crut. Tout le monde pensa qu'il avait perdu la tête. Comment pouvait-il y avoir une Hanti-Nia dans cette pierre ? L'angle qui dépassait ? C'était une pointe de rocher, rien de plus !

Aidé cette fois par Fils Aîné, Kolo-Kolo transporta le bloc de pierre dans son atelier, tandis que les plus vieux hochaient la tête avec compassion, et que les plus jeunes ricanaient. Même l'adorable Balkis, il faut l'avouer, avait quelques doutes.

Pendant quelques jours, de temps à autre, un villageois demanda à Kolo-Kolo : "Et ton Hanti-Nia, que devient-elle ?" Mais comme Kolo-Kolo se contentait de sourire sans répondre, tout le monde jugea qu'il avait retrouvé la raison et laissé son bloc de pierre dans un coin. Personne n'en parla plus.

Kolo-Kolo, lui, y pensait toujours. S'il n'avait pas eu tant d'occupations, il s'en serait occupé du matin au soir. Dès qu'il rentrait chez lui, il disparaissait dans son atelier et sa famille entendait, des heures durant, de petits coups de marteau. Mais personne n'osait l'interroger et Fille Aînée, qui le rejoignait parfois dans son atelier, ne faisait pas de commentaires.

Au printemps suivant arriva un jour au village un moine d'Occident qui se présenta sous le nom de Ki-Pi-Ling. Il était bavard et racontait d'étranges histoires, mais il écoutait beaucoup aussi, et s'intéressait aux gens, à leurs particularités ou à leurs bizarreries. Aussi ne se passa-t-il guère de temps avant qu'un villageois ne lui raconte en riant l'histoire de la chasse de Kolo-Kolo et de ce fameux bloc de 10.000 taels rapporté pour rien.

Ki-Pi-Ling écouta sans rien dire. Quelques jours plus tard, l'adorable Balkis, toujours prête à accueillir les étrangers, l'invita à boire le thé et, le soir venu, il se rendit donc chez Kolo-Kolo, qui ne s'appelait toujours que Shàngdì Shèmiǎn. Après les politesses et courtoisies d'usage, il demanda : "O respecté Shàngdì Shèmiǎn, as-tu en vérité découvert une belle Hanti-Nia ?"

- "Je pensais bien que quelqu'un t'en parlerait, vénérable moine. Mais viens, et vois."

Conduit dans l'atelier, Ki-Pi-Ling en ressortit bientôt, rouge d'émotion. Il se précipita sur la place du village et cria : "O vous tous, gens du village, venez et entendez cette chose extraordinaire : la plus belle Hanti-Nia qu'on ait jamais vue est dans la maison de Shàngdì Shèmiǎn. En vérité, je proclame que cet homme est plein d'infinie ressource et de sagacité ! Et ce n'est pas Shàngdì Shèmiǎn que vous devriez l'appeler, mais bien Kolo-Kolo !"

Les villageois, attirés par ses cris, s'attroupèrent autour de lui puis entrèrent en se bousculant chez Kolo-Kolo. Les uns après les autres, ils pénétrèrent dans l'atelier et virent avec stupéfaction et admiration que Kolo-Kolo avait eu raison : du bloc de pierre informe, il avait tiré la plus belle Hanti-Nia jamais vue de mémoire de Chinois, et les célestes dieux du céleste ciel du céleste empire de Chine savent combien les Chinois ont la mémoire longue !"

Antinéa

Pendant que les villageois congratulaient et félicitaient Kolo-Kolo à qui mieux mieux, le doyen du village s'approcha de Ki-Pi-Ling et lui demanda : "Pourquoi veux-tu que nous donnions à Shàngdì Shèmiǎn le nom de Kolo-Kolo ? Ce n'est pas un nom chinois, ça ne veut rien dire pour nous !" – "Kolo-Kolo est le nom d'un très rare oiseau d'un lointain pays, un oiseau qui passe pour être la plus sage des créatures." – "Tu as raison !" s'exclama le doyen du village, "il mérite ce nom car en vérité, lui seul a su voir l'invisible et découvrir ce qui était caché à tous les yeux".

C'est de ce jour que Shàngdì Shèmiǎn changea de nom et nul ne l'appela plus autrement que Kolo-Kolo, à part la très adorable Balkis, bien sûr, qui connaissait depuis longtemps la sagesse de son époux et n'allait pas changer son nom pour autant.

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