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18 août 2018

Inde du Sud, mars 2016

Aller-retour en avion : 16618 km. Bus : 1357 km. Train : 207 km.

 

Lundi 7 mars 2016.

Réveil à 4 heures du matin. Arrivée à Saint Exupéry à 5h. Avec tous les contrôles (il y en a un de plus, de police, depuis les attentats de novembre), on n'a finalement que 15 minutes d'attente avant l'embarquement pour Francfort.

Kilomètres de couloir à Francfort, nouveaux contrôles : sacs et bagages cabines, passage au scanner, fouille, contrôle des passeports et billets (trois fois). J'ai pu faire l'enregistrement hier et donc choisir nos places, nous sommes à côté d'un hublot, dans un Airbus A340-300. Les paysages d'Europe sont sous les nuages ; on ne trouve de visibilité qu'à partir de la Turquie, après la Mer Noire : désert, montagnes enneigées, puis les paysages encore plus désertiques de l'Iran, avec des chainons montagneux et arides tous parallèles. Les avions évitent soigneusement la Syrie et l'Irak, et se tiennent près de la frontière iranienne. La nuit tombe vers 20h30, heure de Chennai, je ne sais pas quelle heure il est au sol. Nous approchons du Golfe Persique, à 3200km de l'arrivée, prévue à minuit.

Arrivée à minuit 10. Les formalités habituelles se passent bien, j'arrive même à soutirer un sourire à la préposée aux passeports, juste en lui disant "Namasté". Nous sommes les premiers sortis ; le guide ressemble beaucoup, physiquement, à Khan Singh, mais parle bien mieux le français !

Le groupe se forme peu à peu, nous sommes 22. Deux jeunes femmes, des amies qui voyagent ensemble et qui se montreront tellement peu bavardes et liantes que je ne retiendrai pas leurs prénoms ; une autre jeune femme, Emilie, avec sa mère, Marie-Claude, spécialiste du passage devant l'objectif juste au moment où on va prendre une photo. Tous les autres sont à la retraite et plutôt plus âgés que nous. Patrick et Brigitte, de la région parisienne, sympas. André et Michelle, de Nîmes. Maryvonne, toujours à houspiller Jean, son mari, ou à se plaindre de la fatigue. Bénédicte et Guy : parfaits bobos trop sûrs d'eux-mêmes, prétentieux, poussant (elle) des gloussements d'extase devant le moindre enfant ("ils sont trooop joliiis, mais regaaarde !"), lui toujours prêt à râler auprès des hôteliers ou des serveurs ; elle explique, à très haute voix, qu'elle a manifesté contre le "mariage pour tous "alors que je ne suis ni droite-droite, ni catho-catho". Comble de la grossièreté, elle s'acharne à ne parler des Indiens que sous l'appellation d'indigènes ou d'autochtones ! Je voudrais voir sa tête si on la traitait d'indigène à Lyon ! Trois autres couples dont je ne me souviens même pas. Enfin Claude et Simone, qui auraient été plus intéressants à connaître mais qui, venus avec un couple d'amis, ne les ont guère quittés, empêchant toute conversation extérieure à ce petit groupe. Dommage. Claude, bien qu'un peu pontifiant et qui ressemble pas mal à Curd Jurgens, préside quatre prix littéraires à la Foire du livre de Saint-Louis, connaît des gens comme d'Ormesson, PPDA, Amélie Nothomb etc, et j'aurais bien aimé bavarder avec lui.

35 minutes pour aller à l'hôtel. Nous retrouvons les inénarrables routes indiennes mais aussi les baraques agglutinées dans d'étroites allées, la foule grouillante, même à minuit, les couleurs des saris, les klaxons permanents. Beaucoup de statues chrétiennes ou d'églises, nous sommes en Inde du Sud.

L'hôtel est immense, la chambre, très grande, le lit aussi. On n'a pas très sommeil (il est 22h, heure française) mais ça ne dure pas.

 

Mardi 8.

On se réveille à 8h, pour avoir le temps de se préparer, refaire les sacs et essayer de se recaler le plus vite possible.

Départ à 10h et tour de Chennai (nouveau nom de Madras, le BJP, parti hindouiste au pouvoir, prétendant revenir au passé hindouiste de l'Inde). Route défoncée, scooters avec 1, 2, 3, 4 passagers, et même une fois avec un veau, vivant, les femmes en saris toujours installées en amazone, boutiques somptueuses ou échoppes minuscules. La plage est superbe et immense, la deuxième plus grande plage du monde après Copacabana, d'après les Indiens, mais on ne peut pas s'y baigner. Renseignement pris (merci, Google), la plage de Copacabana mesure 4,5 km de long, ce qui n'est guère (3 km pour celle d'Hendaye) ; la plus longue est celle de Cox's Bazar, au Bangladesh, et celle de Chennai fait 13 km de long. Il y a un bidonville de pêcheurs sur une partie de la plage. Le guide, Aziz, est très intéressant.

Nous prenons la route vers Mahabalipuram. Il y a des cabanes misérables mais l'homme assis à l'ombre a un téléphone portable. Des femmes aux saris impeccables portent sur la tête des piles de briques ou une bassine de terre… La brouette n'a pas encore fait son apparition dans ces contrées lointaines ! Je vois un pélican, et aussi une cigogne, assez incongrue. Pas mal de jeunes femmes sont habillées d'une tunique mi- longue sur un pantalon, toujours avec une écharpe car elles doivent pouvoir se couvrir la tête en présence d'une personne plus âgée. C'est très joli.

Arrivée à l'hôtel, Ideal Beach Resort, vers 13h, et déjeuner. L'hôtel est un ensemble de pavillons dans un grand parc. Petite balade dans le parc et sur la plage, pour photographier le Golfe du Bengale, les oiseaux, les fleurs, les écureuils. La plage est splendide et je ne résiste pas à l'envie de me baigner, mais avec prudence : le fond descend très vite, les vagues sont fortes et la marée, descendante, tire beaucoup. L'eau est tiède à souhait, un délice. Je m'enveloppe dans mon paréo, en sortant, car les Indiens sont choqués de voir les Européennes étaler leurs jambes nues, puis me retrempe une deuxième fois avant d'aller me doucher et me changer.

Le programme prévoit un après-midi libre mais Aziz nous propose d'aller visiter des grottes non prévues au programme de demain. Excellente idée approuvée à l'unanimité.

Départ à 16h30 pour le site de Mahabalipuram. Un grand port existait sur ce site dès l'époque de la Grèce antique. La splendeur de la ville date des VIIe et VIIIe siècles, époque où la dynastie des Pallava fit graver l’immense bas-relief de la Descente du Gange, excaver le Temple de la Colline, tailler les cinq rathas  et édifier les premiers monuments de l’Inde du sud : les deux Temples du Rivage. Les blocs et collines de granit datent de l'éruption volcanique gigantesque à l'origine du plateau du Deccan, il y a 65 millions d'années environ.

Nous montons jusqu'à un temple excavé et assez haut perché ; je ne vais pas jusqu'au sommet. Puis nous allons voir la grotte de Mahîshâsuramardinî, où un bas-relief, sur un des côtés, représente Durga/Kali chassant le démon à tête de buffle. De l'autre côté, Vishnou médite, couché sur le cobra à cinq têtes qui flotte sur les eaux primordiales. "Et l'esprit de Dieu flottait sur les eaux".

Au centre, Shiva et Parvati sont représentés avec l'enfant Mourouga, dieu originel des Tamouls, devenus par la suite le fils de Shiva et Parvati. Nous voyons aussi la salle de Krishna, avec sur le bas-relief, une vache qui lèche gentiment son veau. "Trooop miiignon !" s'écrie Bénédicte… En revenant vers le car, je photographie un "arbre à saucisson", ou Kigelia Pinnata, dont les fruits contiennent des graines mangeables, mais seulement une fois grillées.

Il y a des vendeurs de souvenirs qui nous suivent et nous harcèlent littéralement, ils sont pénibles.

Retour à l'hôtel vers 18h30, dîner à 20h (buffet, comme ce sera presque toujours le cas). On va jusqu'à la plage après le dîner, on voit les étoiles et on aperçoit quelques feux de barques de pêcheurs au large.

 

Mercredi 9.

Réveil prévu à 7h ; le PDDM est sous forme de buffet, avec pas mal de plats indiens qui ne nous tentent pas vraiment. Il y a du lait chaud, tant mieux pour moi, du pain grillé, des céréales, et des œufs pour ceux qui en veulent.

Retour au site de Mahabalipuram.

Groupe des cinq rathas : il s’agit d’édifices dégagés à partir de gigantesques blocs de granite qui se trouvaient là. Ce sont les premiers temples hindous en pierre car la pierre était, jusqu'alors, considérée comme impure. Les temples ne portent pas leur "couronne", un bouton de lotus sculpté, et n'ont donc pas été consacrés. Il y a pourtant un groupe de femmes qui viennent faire leurs dévotions. Il y a cinq temples, une statue d'éléphant (monture d'Indra) et une de tigre (monture de Durga).

Le ratha de Draupadi, situé à l’extrême gauche, porte le nom de la princesse Draupadi, l’un des personnages féminins principaux du Mahabharata. Il est dédié à Durga, comme le suggère le tigre présent devant l’entrée du temple. À l’intérieur se trouve un bas-relief représentant la déesse Durga debout sur une double fleur de lotus et entourée de dévots procédant à des rites d’autosacrifice.

Le ratha d’Arjuna porte le nom du troisième des cinq frères Pandava, héros du Mahabharata et époux de Draupadi. La présence du taureau Nandi couché à l’arrière et sculpté sous la plate-forme montre que l’édifice est dédié à Shiva. La toiture pyramidale à étages surmontée d’un couronnement octogonal est caractéristique du style dravidien. La face arrière montre diverses divinités associées à Shiva.

Le ratha de Bhima est dédié à Vishnou, et porte le nom du deuxième des cinq frères Pandava. C’est un édifice de plan rectangulaire, avec une toiture en berceau brisé renversé. De petits édifices en bas-relief ornent la corniche.

Le ratha de Dharmaraja, dédié à Shiva, porte le nom du plus pieux des cinq frères Pandava. Il est surmonté d’une structure pyramidale à étages. C’est le seul qui porte une inscription qui fait référence au roi Pallava Nârasimhavarman Ier. Le temple est analogue au ratha d’Arjuna.

Le ratha de Nakula-Sahadeva, dédié à Indra, dieu de la pluie, comme en témoigne l’éléphant, sa monture, porte les noms des quatrième et cinquième frères Pandava. L’édifice, inachevé, présente un plan avec une abside et un porche soutenu par des colonnes.

Photos de margousier, d'arbre Filo (utilisé pour la pâte à papier, d'après Aziz, mais que je n'ai pas identifié), et un arbre à noix de cajou (qui sont moins bonnes que celles d'Afrique).

Bénédicte, toujours elle, distribue aux enfants des bics ou des carambars. Aziz a déconseillé ce geste, qui habitue les gamins à réclamer, mais elle n'en a cure. Je suis choquée de cette attitude "occidentale-généreuse-faisant-des-cadeaux-aux-pauvres-enfants", encore plus quand son don s'adresse aux enfants d'un groupe de touristes Hindous et indonésiens.

Bas-relief de la Descente du Gange, ou Pénitence d'Arjuna, inachevé mais splendide. Pour libérer l'âme de ses ancêtres criminels, Arjuna devait faire descendre sur terre le Gange, seul capable de purifier des péchés. Mais la chute du Gange depuis les cieux risquait, par sa puissance, de tout détruire sur la Terre. Arjuna accomplit donc une nouvelle ascèse, restant sur un pied pendant un an, afin que Shiva accepte d’intercepter la Ganga dans sa chute. Shiva obligea la rivière à descendre très lentement, en traversant les tresses inextricables de son chignon jusqu’à ce qu’enfin elle atteigne la Terre. Aziz nous décrit au maximum, sans lésiner sur les détails, les musiciens qui ont des pattes d'oiseaux, ou le chat, symbole des faux gourous. La fissure centrale représente le cours du Gange et a peut-être été alimentée par un réservoir d’eau simulant le fleuve. À gauche du fleuve, se trouve l’image de Shiva. Hormis les nombreuses représentations divines, le bas-relief dépeint la vie quotidienne des paysans et bergers des montagnes au VIIe siècle, avec leurs troupeaux. Sur la partie inférieure droite du relief sont figurés de grands éléphants, avec leurs petits entre leurs pattes.

Nous allons jusqu'aux Temples du Rivage, dédiés à Shiva, mais très abîmés car ils ont subi l'assaut des vagues et des tempêtes jusqu'à la construction d'une digue de protection. Ce sont les premiers temples construits, et non excavés ou taillés.

Il fait très chaud. Nous passons par la boutique, surtout pour utiliser les toilettes, passablement rudimentaires : pas de verrou, pas de papier, chasse d'eau en panne. Il y a un broc, et un robinet pour le remplir mais je suis la seule à m'en servir.

Route vers Pondichéry, en prenant une bouteille d'eau du car (30 roupies !). Arrêt pour photographier des marais salants. Arrivée à l'hôtel Anandha Inn à 13h. Il y a toujours des bouteilles d'eau dans les chambres. Je mets du thé dans la mienne, du citron aussi quand il y en a au buffet. Les repas sont très bons ; il y a du poisson et des crevettes.

Une petite heure de repos et on repart à 15h. Le car nous pose près du Consulat de France, grande bâtisse jaune et blanche sans style, et de là, nous faisons un tour de la "ville blanche", c'est-à-dire française, la "ville noire" étant la ville indienne. Ces appellations ne sont plus politiquement correctes et ne correspondent plus à une séparation communautaire, mais elles restent traditionnelles.

Le car nous dépose près du Consulat de France, grand bâtisse jaune assez laide. Un peu plus loin, le Foyer du Soldat, d'un jaune encore plus vif, est le second bâtiment resté français et sert de maison de retraite pour des soldats retraités qui ont combattu pour la France. Le troisième est l'Alliance Française ; ces trois édifices jouissent du privilège d'extra-territorialité. Un monument aux morts avec un poilu et une statue de Jeanne d'Arc rappellent les temps où Pondichéry était un comptoir français. La ville a été rattachée à l'Inde en 1956. Visite ensuite, si l'on peut dire, de l'Ashram de Sri Aurobindo, d'abord, grand gourou Hindouiste mort en 1950, dont l'ashram, fondé par lui et "la Mère", a acquis une dimension énorme, richissime, et passablement contestée. Nous avons juste le droit, vils êtres impurs que nous sommes, de contempler, pieds nus et dans le plus grand silence, le tombeau du Sri et de la Mère, grande dalle recouverte de ravissants motifs de fleurs fraîches (œillets d'Inde, jasmin, frangipanier…) qu'il est rigoureusement interdit de photographier. Alain se fait même refouler au motif qu'il a une bouteille d'eau à la main. Je ne m'intéresse déjà pas beaucoup aux tombeaux et reliques de ma propre religion, ceux des autres m'attirent encore moins, et la biographie de Sri Aurobindo ne m'a pas laissé un souvenir bouleversant. Je préfère de beaucoup Mère Térésa !

Nous passons ensuite devant le Palais du Gouvernement, dont les grilles portent des fleurs de lys en guise de pointes. Photos de Badamier et d'Acajou. Dans le Barathi Park, Aziz nous parle des Intouchables : l'intouchabilité a été abolie par la Constitution de l'Inde, elle est réprimée par la loi, mais elle demeure très présente dans les villages, comme le système des castes, et reste prépondérante dès qu'il s'agit de mariage. Il nous parle aussi (et il y reviendra) des anciens souverains des royaumes indiens, dépossédés manu militari par le gouvernement de Nehru.

Passage à l'Eglise Notre-Dame des Anges, je n'ai plus de batterie. Il faut dire que le zoom électrique consomme pas mal. Tant pis, j'ai fait l'essentiel et les photos d'Alain complèteront. L'église a été construite en 1851-55, et la messe du dimanche y est célébrée dans les trois langues de la ville : français, anglais et tamoul. Le car nous emmène ensuite jusqu'à la "ville noire", nous fait suivre la rue Nehru et nous laisse au marché : un dédale d'éventaires serrés, de cris, de bousculade. Je remarque au passage les étals de fleurs coupées avec lesquelles les femmes font des guirlandes de dévotion ou des parures pour les cheveux. Par endroits, les odeurs sont à tomber !

A la sortie, nous reprenons Nehru Nagar jusqu'à Gandhi Nagar que nous suivons jusqu'à l'unique feu rouge de Pondichéry, repère pour tourner à gauche et rejoindre l'hôtel. Pas de trottoir, des véhicules (à 2, 3 ou 4 roues) garés n'importe où et n'importe comment, et les scooters et tuk-tuks qui foncent et vous frôlent, plus des trous partout, des saletés à éviter, des gens dans tous les sens… Quel stress !

Douche en arrivant, bien méritée. La climatisation diffuse de la citronnelle, qui éloigne les moustiques mais génère la migraine. Poisson encore au dîner, profitons-en ! Ça change du poulet à tous les repas du Rajasthan !

 

Jeudi 10.

Réveil à 7h, départ à 8h. Tout le monde est à l'heure et même légèrement en avance. Tant mieux, ça évitera de perdre du temps à attendre les paresseux ou les indisciplinés. Nous traversons le Tamil Nadu en direction de Tanjore. Beaucoup de corneilles, quelques merles des Moluques, quelques perruches vertes. Beaucoup de temples sont consacrés à Parvati/Durga, reconnaissables aux lions qui ornent le portail d'entrée. Nous nous arrêtons quelques minutes dans un village de cordiers, qui tressent de la fibre de coco pour faire des cordes, solides, mais dont la durée de vie est brève car la fibre s'altère au bout de quelques mois. On en fait aussi des paillassons, des brosses et balais, des rembourrages de sièges.

Aziz nous explique pas mal de choses, entre autres que les agriculteurs sont très largement subventionnés ou aidés par l'Etat : pas d'impôts, électricité et eau gratuites, diesel détaxé… Les familles pauvres (gagnant moins de 300 roupies par mois) reçoivent un carnet qui leur permet d'acheter certaines quantités de riz, blé, sucre… à très bas prix, 1 à 2 roupies le kilo, dans des magasins d'Etat (il y en a 700.000 en Inde, pour 650.000 villages). Les enfants inscrits dans les établissements scolaires publics sont également défrayés de tout, l'Etat fournissant uniformes, chaussures, cartables, livres, cahiers, stylos, etc.

Beaucoup de maisons de villages sont faites de feuilles de cocotier tissées, fixées sur des poteaux et enduites de bouse de vache, qui sert de répulsif pour les insectes et les serpents. Les toits sont aussi en cocotier, feuilles tressées, ou nattes. La paille de riz (il y a énormément de rizières) nourrit les vaches, mais pas les chèvres, plus nombreuses que les vaches par ici. Il n'y a quasiment pas de vaches errantes.

Temple de Gangaikondacholapuram (Gange apporté-par ville-des-Chola). Temple du 11e siècle, construit par le roi Rajendra 1er pour commémorer sa victoire sur le Bengale. Selon une inscription, le roi fit apporter 2000 litres d'eau du Gange par les vaincus, eau conservée dans d'immenses citernes pour les rites de purification. Le vimana (la construction qui abrite le sanctuaire) a une hauteur de 52 mètres ; le mandapa (salle à colonnes qui sépare l'entrée du sanctuaire) compte 150 colonnes sculptées. Les escaliers de l'entrée sont des deux côtés, perpendiculairement : entrer face au sanctuaire serait une preuve d'arrogance, et une offense pour le dieu auquel est consacré le temple, Shiva.

Tournant le dos au portail de l'enceinte du temple, le taureau Nandi, monture de Shiva, fait face au sanctuaire où le dieu est représenté par un lingam de 4 mètres de haut.

Photos, entre autres, d'un éléphant avalé par un serpent, d'une apsara, de Shiva dansant, d'un frangipanier rouge, d'une perruche verte qui pose gentiment pour mon super zoom. Il fait très chaud. Bien qu'il ne reçoive pas beaucoup de visiteurs, le temple est toujours en activité, comme l'attestent les vêtements drapés autour des statues. En déambulant, je heurte du pied une petite coupelle à ghee, un peu noircie, que je ramasse et glisse dans ma poche, bien emballée dans un mouchoir en papier.

Après un déjeuner médiocre au Paradise Resort de Darasuram, nous allons voir le temple d'Airavatesvara, à Darasuram, autre temple chola également consacré à Shiva et très semblable au premier. Aziz nous fait remarquer une étrange statue, qui ressemble un peu à un guerrier assyrien : c'est la statue d'un intouchable, reconnaissable à sa moustache et à ses sandales et considéré comme saint par les Hindous parce qu'il était un "fou de Shiva" et qu'il s'arracha les yeux pour les donner à une statue de Shiva dont les yeux saignaient.

Le prêtre (mais ce mot ne convient pas vraiment car il n'est chargé ni de prêcher, ni d'expliquer les livres saints, juste d'effectuer les rites) nous propose sa bénédiction sous forme d'une apposition de cendres sur le front. Je n'y vais pas. Accepter en y croyant serait renier ma propre religion ; accepter sans y croire serait mépriser ceux qui y croient.

Route vers Tanjore. Beaucoup de villages, temples, quelques mosquées, des enfants en uniforme, des chèvres, d'énormes camions de paille de riz ou de canne à sucre, et des klaxons omniprésents. Nous doublons une procession, un groupe de gens (probablement tous d'une même famille) qui vont au temple avec des offrandes de fleurs. L'hôtel, Parisutham, est très quelconque : bruyant, deux lits au lieu d'un grand, pas de bureau pour écrire, pas de sèche-cheveux (je prends des habitudes de luxe, je l'avoue). Nous faisons une petite balade à pied le long du canal assez sale et passons à côté de gamins qui s'empressent de nous réclamer "pen, pen". Ils ont tout le matériel scolaire qu'il leur faut mais certains touristes, pleins de bonnes intentions, leur distribuant des bics, ils ont pris l'habitude de réclamer sans vergogne. Angelus pendant la balade, et muezzin au retour, avec de la musique indienne et des klaxons en prime.

L'une des fermetures éclair de ma trousse de toilette neuve se casse. Alain réussit à réparer mais je suis en colère et bien résolue à passer aux Galeries Lafayette au retour (j'ai été remboursée).

 

Vendredi 11.

Réveil à 6h30 et départ à 7h pour Trichy et le temple de Sri Ranganathaswamy, consacré à Vishnou sous sa forme de Ranganatha, c'est-à-dire Vishnou se reposant, couché sur le cobra à cinq têtes. C'est le plus grand temple hindouiste en activité, et le principal temple de Vishnou. Sa construction a commencé au 11e siècle, et l'un des gopuram (porte) est en cours de réfection ; il y en a 21 et le plus haut, le premier qu'on voit, fait 73 mètres de hauteur. Il comporte sept portes, et un mandapa de 1000 colonnes. Le temple, construit en granite, représente les sept chakras d'un homme couché. Le premier correspond aux pieds (l'entrée), le deuxième, le mat du drapeau, interdit l'entrée aux démons ; le sixième est le sanctuaire de Garuda, la monture de Vishnou, représentée ici par un homme-aigle (au Népal, c'est un oiseau), et le septième, la tête, est le sanctuaire proprement dit, interdit aux non Hindous. La fleur de lotus qui couronne le temple, et donc le consacre, est en or massif et pèse 40 kilos.

Il y a un monde fou. Beaucoup de petites échoppes dans la première cour et dans le mandapa, bijoux en plastique doré, guirlandes de jasmin pour les cheveux, d'œillets d'Inde en offrande, bouquets de petit basilic (plante sacrée), plats avec des bananes, une noix de coco, une fleur de lotus, craies ou poudre de farine de riz colorée pour faire des dessins devant les maisons, en signe de protection… Beaucoup de pèlerins, aussi, souvent en rouge ou jaune pour les femmes. Les brahmanes sont en blanc ; les prêtres (tous brahmanes, évidemment) sont torse nu, avec la cordelette de leur caste en évidence. Les dévots ont au front trois traits verticaux, deux blancs encadrant un trait rouge, pour Vishnou (les Shivaïtes ont trois traits blancs horizontaux). Les brahmanes sont des fervents soit de Vishnou, soit de Shiva. Les membres des autres castes choisissent à leur gré l'un ou l'autre des 33 millions de dieux du panthéon hindou ; chaque famille a son ou ses dieux tutélaires, vénérés de génération en génération. Les filles adoptent le dieu de leur mari.

Juste avant l'entrée dans la quatrième enceinte, il y a un éléphant qui, en échange d'une offrande, donne un petit coup de trompe sur la tête en guise de bénédiction. C'est là, dans une boutique, que nous laissons nos chaussures. Le guide est aidé par un nain, qui nous cornaque très gentiment. On peut monter sur le toit de la deuxième enceinte mais je préfère ne pas y aller et je fais bien car il n'y a pas de balustrade.

Presque tous les gopuram et certains frontons sont repeints de frais (les échafaudages ont été enlevés il y a quelques mois) dans des tons vifs, rose, bleu, vert, sans aucune nuance. Les salles hypostyles, plus anciennes, sont en pierre naturelle. Le dernier gopuram, en voie d'achèvement, est blanc.

Aziz nous montre les statues représentant les neuf incarnations de Vishnou : homme-poisson, homme-tortue, homme-sanglier, homme-lion, nain, Rama à la hache, Rama à l'arc, Krishna, le Bouddha. La dixième incarnation marquera l'avènement d'un âge d'or, de paix et de justice pour toute l'humanité.

Les gens sont gentils, pour la plupart ; pendant que j'attends le retour du groupe, monté sur la deuxième enceinte, plusieurs filles viennent me serrer la main, des femmes avec des enfants se font photographier avec moi, d'autres me photographient discrètement. Seuls deux brahmanes me lancent des regards torves. Il y a beaucoup d'enfants car c'est un jour faste pour le traditionnel percement des oreilles, obligatoire chez les Hindous pour les garçons et les filles. J'en déduis qu'un Indien dont les oreilles ne sont pas percées n'est pas Hindou…

Retour à l'hôtel pour déjeuner. Les chambres ne sont même pas faites, à 12h45 ! Nous repartons à 15h pour le musée de bronzes de Tanjore. Pour les Hindous, une statue qui n'est plus dans un temple et qui n'est donc plus sacrée est maudite et maléfique ; les statues ne peuvent donc prendre place que chez des collectionneurs non-Hindous, ou dans des musées.

Les bronzes sont coulés à la cire perdue. Le mélange est formé de 80% de cuivre, 10% d'étain, 5 % de zinc et 5% d'autres métaux, plomb, argent et or.

Aziz nous décrit en détail une représentation de Shiva dansant :

la sirène, dans ses cheveux, représente la déité Gange, sa deuxième épouse ;

les serpents symbolisent l'énergie, bénéfique (au bras de Shiva) ou maléfique (accroché au démon qu'il piétine) ;

le démon représente l'illusion, qui empêche de voir la réalité (à savoir que tout n'est qu'illusion) et donc d'accéder au nirvana ;

le tambourin représente le son primordial à l'origine de la création ;

la peau de tigre, qui est son vêtement, rappelle que Shiva est un dieu autochtone, celui des premiers habitants des montagnes, vêtus de peaux de bêtes.

Nous allons ensuite au temple de Brihadeesvara, dédié à Shiva, construit entre 1003 et 1010 ; l'enceinte est du XVIe siècle. Le taureau Nandi, qui a son propre temple, est une sculpture monolithique du XVIe siècle, pesant 25 tonnes. Malgré la théorique interdiction, Aziz permet à ceux qui le souhaitent d'accéder au sanctuaire mais il y a trop de monde. Sur le haut vimana, qui coiffe le sanctuaire, les Anglais, en le restaurant au , se sont permis d'y ajouter un buste d'Anglais à chapeau melon. Ce n'est pas à leur honneur.

Au retour, nous nous arrêtons dans un magasin "recommandé par Asia". Cela nous vaut une boisson offerte, coca, thé ou café. Mais tout est trop gros, trop imposant et trop cher.

Le dîner est précédé, dehors, d'un spectacle de danse : deux fillettes, très maquillées, prennent des poses représentant tel ou tel dieu, puis dansent un pas de deux qui serait plaisant si nous comprenions de quoi il s'agit. La musique est faite par les grelots qu'elles portent aux chevilles, un tambourin et un chanteur. Les commentaires d'Aziz seraient précieux mais il n'est pas là.

 

Samedi 12.

Le lit est dur comme de la pierre et j'ai très mal dormi, sans parler de la clim qui me donne mal à la gorge. Nous prenons la route vers Madurai. Aziz nous explique que le tourisme en Inde, et surtout dans le Sud, n'attire pas les investisseurs parce que ça ne rapporte pas assez. En plus, il serait difficile d'amener de nombreux groupes de touristes dans des temples en activité comme ceux d'hier. L'aspect cultuel l'emporte, de loin, sur l'aspect touristique, et ce n'est pas plus mal. Combien de fois ai-je été choquée de l'afflux de touristes à Notre-Dame de Paris, par exemple, même pendant les messes !

Nous nous arrêtons dans une fonderie de bronze pour voir un exemple du travail à la cire perdue. Je connaissais la théorie depuis longtemps mais c'est intéressant de voir faire. Le modèle en cire est recouvert d'argile, séché au soleil, puis l'ensemble est chauffé dans un four : la cire fond et s'écoule et l'argile durcit. Ensuite, on y verse le bronze en fusion. Le refroidissement prend une journée pour les petites pièces, puis on brise l'argile et on attend encore une semaine avant d'ébarber, fignoler la ciselure, dorer et polir. Le magasin est plein d'objets de toutes tailles, certainement pas tous faits sur place, mais rien ne nous attire.

Aziz nous abreuve de statistiques sur le développement industriel de l'Inde ou les taux d'intérêt élevés (40 à 50%, ce qui n'est pas si énorme quand on sait que l'inflation est à 22%). Il faudrait tout noter ! Il nous emmène ensuite dans un ancien havéli transformé en hôtel de luxe par ses propriétaires, une famille d'usuriers devenus banquiers. En repartant, nous passons devant un temple pour les Intouchables, situé hors du village, avec un tas de statues de chevaux, en terre cuite, plus ou moins abîmées, qui sont les montures de leur dieu, Baba Ramdeo. Les Intouchables offrent à ce dieu tout ce qu'il est habituellement interdit d'offrir aux dieux : viande, chèvres sacrifiées, alcool, cigares…

Nous déjeunons au restaurant Bangala de Karaikudi. Le repas, excellent, est servi sur une feuille de bananier en guise d'assiette : légume ressemblant aux chayottes, betterave rouge râpée au yaourt, pommes de terre sautées, chutney de mangue (très doux ; il y en a un autre, à disposition, beaucoup plus épicé), riz, boulettes (de quoi ?), poulet tandoori, poisson frit. Tout est très bon. Halwa de carottes et glace à la vanille, thé masala.

Nous poursuivons vers Madurai. Le paysage se fait plus montueux, nous abordons les ghâts occidentaux et il y a beaucoup de carrières de marbre. Je vois une colline littéralement découpée, du haut en bas : il en reste la moitié, à peu près, et la face coupée est verticale. Pas le temps d'attraper mon appareil photo, malheureusement. Il y a d'énormes blocs de pierre un peu partout, certains abandonnés à en juger par l'herbe qui les envahit.

Madurai. Nous apercevons la cathédrale, Sainte Marie, bleue et blanche, construite par des Jésuites de Toulouse, puis nous allons au palais de l'ex-maharadjah de Madurai, une monstruosité très haute mais peu entretenue. Le palais date de 1636 ; en partie détruit au XIXe siècle par un maharadjah qui prétendait le faire déplacer, les parties restantes ont été remaniées en 1870. Ne subsistent maintenant que la cour, entourée d'un portique aux imposants piliers hauts de 12 m, la salle du trône avec sa coupole à 25 mètres de haut, et un musée de belles statues anciennes. Des collégiennes se font photographier avec nous, des écoliers, aussi, jusqu'à ce qu'Aziz finisse par les renvoyer. Il nous reparle des expropriations dont ont été victimes les sultans et maharadjas de l'Inde. C'est à croire qu'il fait partie d'une de ces familles, tellement il en parle avec animosité à l'égard du gouvernement indien. En sortant du palais, j'achète trois petits sacs, kitsch au possible, pour 100 roupies, 1,40 euros ! Je refuse de marchander pour un prix aussi minime, contrairement à d'autres.

Place ensuite au temple de Meenakshee, consacré à Parvati, l'épouse de Shiva, sous son avatar de Meenakshee (= aux yeux de poisson), ainsi qu'à Shiva. Bien que mentionné dans des textes très anciens, il a été construit, sous sa forme actuelle, entre 1560 et 1660, compte 12 gopuram (le plus haut mesure 60m de haut) et deux sanctuaires, et reçoit 15.000 visiteurs par jour. Il est très rare qu'un temple important soit consacré à une divinité féminine. On y trouve aussi un grand bassin, le bassin du Lotus d'Or, de 50 mètres sur 37, dont les eaux, sacrées, servent aux purifications rituelles. La salle des mille piliers en compte en fait 985, tous sculptés et différents.

Le culte quotidien comporte quatre rituels : le bain sacré, le maquillage, le repas et l'agitation des lampes pour Meenâkshee et Shiva. Les cérémonies s'accompagnent de musique à base d'instruments à vent et à percussion, avec la lecture des Vedas par les prêtres et les prosternations des fidèles.

Il faut laisser sacs et appareils photos dans une boutique prévue (c'est la même chaîne que celle d'hier), enlever chaussures et chaussettes et passer à la fouille avant d'entrer. Curd Jurgens, qui n'a pas voulu laisser la pochette où sont tous ses papiers, doit ouvrir toutes les poches et montrer leur contenu. Les nôtres, beaucoup plus discrètes, sont juste tâtées, et je sors, pour le montrer à la femme policier, mon stick à lèvres (ce qui me vaut un joli sourire de complicité féminine). Les appareils photo sont strictement interdits mais pas les téléphones portables, avec lesquels on peut prendre des photos. J'essaie avec le mien mais je ne suis pas sûre d'obtenir grand'chose. Heureusement, Google est mon ami…

L'architecture est très semblable aux temples de Trichy. La foule est incroyable, le nombre de boutiques aussi. Les gens embrassent les statues, les barbouillent de pâte de santal (fausse, dit Aziz : le santal est trop cher, ce n'est que de la farine de riz parfumée) ou de curcuma, sèment des pétales de fleurs dessus, le tout dans un brouhaha infernal dominé par une musique non moins infernale (pour nos oreilles). Il y a là aussi un éléphant bénisseur, qui a l'air assez énervé, et Aziz, méfiant, nous demande de ne pas nous approcher. D'ailleurs son cornac l'emmène, juste quand nous arrivons. S'il s'échappait, pris de panique, au milieu de cette foule, ce serait un carnage !

A la sortie, nous sommes assaillis par des vendeurs de bracelets, colliers, etc, et récupérons chaussures et chaussettes. "Mais je ne peux pas remettre mes chaussettes comme ça, j'ai les pieds sales !... quelle horreur de marcher pieds nus… il n'y a pas de l'eau pour se nettoyer ?... Oh ! je n'ai plus de lingettes !..." Que font donc ces mijaurées en Inde ? On retourne à la boutique pour retrouver sacs et appareils photos ; on nous offre un Coca, très bienvenu vue la chaleur, pour nous obliger à nous attarder et peut-être d'acheter. Je craque pour une petite boîte en papier mâché laqué (250 RS). Il y a un lion en bronze presque grandeur nature, ça ferait bien dans le jardin ! 12500 RS, 140€. Livraison gratuite… mais pas un mot sur les frais de douane…

Retour au bus, hôtel, encore deux lits ! Je ne vais pas déranger Aziz pour ça ce soir mais je lui en parlerai demain, pour qu'on ait des lits à deux places. Les bagages n'étant pas encore dans les chambres, nous commençons par le dîner, la douche attendra.

 

Dimanche 13.

Départ à 7h et cours sur les salaires (pas celui du guide). Ouvrier agricole : 300 RS par jour, 150 journées de travail par an au mieux. Un guide travaille 180 journées par an à peu près. Instituteur : 40 à 50.000 RS par mois, et droit à une pension de retraite à 60 ans. Médecin débutant : 25.000 RS par mois. Ingénieur en informatique : jusqu'à 100.000 RS par mois pour un débutant. Responsable de gestion : jusqu'à 10 millions de roupies par an.

Seuls les fonctionnaires touchent une retraite. Les autres se contentent de ce qu'ils ont pu économiser pendant leur vie, s'installent chez leur fils (d'où l'importance d'en avoir un), ou sont pris en charge par les asiles de vieillards.

Les filles sont uniformément considérées comme "un fardeau", parce qu'il faut les élever, leur trouver un "bon mari", les doter et les marier, ce qui est une ruine. Légalement, elles ne peuvent pas se marier avant 18 ans, mais la loi est souvent ignorée, surtout dans les campagnes, où les filles sont souvent mariées dès leurs premières règles. Le choix du conjoint s’effectue à la suite d'un accord entre deux familles de même caste et de revenus comparables, en vérifiant la compatibilité des horoscopes des futurs conjoints. Les critères romantiques n'entrent pas en jeu, seuls comptent le statut du père et sa caste. Les Indiens vivant à l'étranger reviennent au pays pour se marier selon les règles traditionnelles.

Le nombre des invités peut dépasser aisément la centaine et la fête durer plusieurs jours. La virginité est pour la jeune épouse une condition impérative du mariage et l'union libre est interdite par la loi (comme l'homosexualité). La dot ne se paie pas en argent liquide, mais sous forme de cadeaux (motocyclettes, réfrigérateurs, voitures, etc.). Après son mariage, la jeune épouse quitte la maison familiale pour s’établir dans celle de son mari. Elle doit avoir des fils, la stérilité est une malédiction.

Travancore. Grâce à un Anglais, John Pennicuick, le gouvernement anglais obtint du maharadjah de Travancore une concession de 999 ans pour la construction d'un barrage sur le Periyar, en 1895. Ce barrage, situé au Kerala, appartient, du fait de la concession, au Tamil Nadu, qu'il irrigue, et la Cour Suprême de l'Inde a confirmé cette propriété ainsi que la durée de la concession. Au Tamil Nadu, John Pennicuick, qui finança la construction du barrage avec sa propre fortune, est adoré comme un dieu.

On s'arrête de temps en temps, pour reposer le chauffeur et permettre au guide de fumer une cigarette. Lors d'un arrêt sur un pont, pour photographier une jolie chute d'eau, un gars s'arrête, descend de voiture, et vide tranquillement sa poubelle dans la rivière, au grand scandale de Maryvonne, assise devant moi. Mais rien n'est organisé, ou presque, pour le ramassage des ordures, et ce geste, ici, n'a rien d'étonnant.

Nous traversons la belle vallée de Cumbum, très verdoyante : cocotiers, bananiers, rizières, vignes. Arrêt pour une pause cigarette devant une échoppe "Home made chocolate". Pas un chocolat  en vue mais des savons parfumés. J'en prends un au santal, pour Michel. Certaines achètent, achètent, achètent…, ça m'amuse toujours.

Nous visitons la plantation d'épices de Periyar. Le guide nous indique les plantes et nous photographions, dans l'ordre :

Jaquier

Caféier

Cardamome

Noix de coco

Noix d'Arec

Œillet d'Inde

Citronnelle

Bananes

Cannellier

Noix muscade

Gombo

Poivre

Datura

Vanille

Cacao

Feuilles de curry

Giroflier

Piment oiseau

Carambole

Stevia.

A la boutique, j'achète de la cardamome verte, de la vanille, de l'huile essentielle de santal et du chocolat.

L'hôtel est très écolo et très plaisant : de petits pavillons de deux chambres répartis dans un grand parc. L'eau est offerte, comme toujours, mais dans des bouteilles en verre, stérilisées. Il n'y a pas de climatisation, seulement un ventilateur, suffisant à 800 mètres d'altitude. Il y a des moustiquaires aux fenêtres. Pas de wifi, hélas, je ne pourrai pas envoyer de mail à Roselyne pour son anniversaire (mais j'avais programmé une carte virtuelle).

Le soir, nous avons choisi d'aller voir un spectacle d'arts martiaux, impressionnant, et un autre de danse, encore plus déconcertant que celui de vendredi. Cette forme de théâtre mimé s'appelle Kathakali et met en scène, rituellement, un épisode tiré du Ramayana ou de Mahabharatra. Les acteurs sont accompagnés simplement par un percussionniste et un chanteur et leur jeu repose surtout sur les gestes des mains et les expressions du visage. Maquillage, costumes, coiffures sont très complexes et obéissent à des règles strictes. Un homme déguisé en femme, un prince au visage vert, et un scénario incompréhensible.

Pour une fois, nous sommes avec Claude et Simone au dîner ; la conversation est intéressante.

 

Lundi 14.

Quelques photos de singes à l'hôtel, langurs, et macaques qui font les poubelles : tout écolo qu'il soit, l'hôtel n'a pas de poubelle bien fermée pour ses ordures et les singes se servent, y compris des sacs en plastique. Nous reprenons la route pour descendre vers la côte. Photos de fleurs (Hélychryse, lantana, Ipomée bleu) et de feuilles de ricin, qui pousse à l'état sauvage un peu partout. Nous arrêtons pour photographier des cueilleuses de thé. Il n'y a qu'une seule variété de thé qui, juste séchée, donne le thé "vert" ; les thés noirs sont le fruit d'une oxydation plus ou moins prolongée.

Le Kérala, où nous sommes, a la plus forte proportion de chrétiens de l'Inde, 19%, et il y a en effet beaucoup d'églises. Souvent dirigé par les communistes, cet état a une réglementation qui favorise tellement les travailleurs que les entreprises ne veulent pas s'y installer. Beaucoup d'hommes partent travailler à l'étranger, en particulier dans les Emirats où les salaires sont élevés, et ils envoient l'argent en Inde pour entretenir leur famille et se faire construire une maison. Les nombre important de chrétiens explique en grande partie ce dynamisme, puisqu'ils ne sont soumis ni au karma des réincarnations, ni au fatalisme des musulmans.

La route est très tortueuse et vertigineuse; record de vitesse : 25 km en une heure.

Nous traversons beaucoup de petites villes. Les publicités, aux entrées et sorties, vantent soit des écoles et universités, soit des costumes de mariage, soit des bijoux. Il n'y a quasiment aucune publicité alimentaire, sauf dans les grandes villes.

Backwaters, c'est-à-dire polders. Nous embarquons sur un Houseboat pour une croisière de trois heures. Déjeuner plus que médiocre, sans table : nous mangeons sur nos genoux, entassés dans une pièce largement ouverte, sur des banquettes très inconfortables. Rien à faire, pas grand'chose à voir : de l'eau, sale, des jacinthes d'eau, quelques barcasses, quelques maisons… C'est du temps perdu.

Deux heures de bus encore pour Cochin. C'est vraiment une journée vide, alors que l'après-midi d'hier était libre, que celui de demain l'est aussi, et que nous avons encore une journée de voyage après pour arriver à Mysore.

L'hôtel, Willingdon Island, nous propose pour dîner un délicieux buffet asiatique, qui nous change du curry. Internet marche et je peux lire les mails. On se passerait de l'appel du muezzin...

 

Mardi 15.

En partant visiter Cochin, Aziz nous montre une laverie, où ne travaillent que des Intouchables. Tout se fait à la main, laveurs et repasseurs sont payés à la pièce. Le fer à repasser, très lourd, n'a pas de thermostat ; de temps en temps, le repasseur le débranche pour le refroidir un peu, puis rebranche. La dernière eau de rinçage est amidonnée, pour donner de la tenue aux tuniques.

Cochin est très décevante. La ville coloniale n'a aucun caractère. L'église Saint François n'offre comme seul intérêt que la tombe de Vasco de Gama (dont le corps a été transféré au Portugal en 1539). Le Palais hollandais, construit par les… Portugais en 1555, mais rénové par les Hollandais en 1663, a de très belles fresques du Ramayana, aux dessins tellement embrouillés que nous n'y comprenons guère, mais on ne peut pas photographier et il n'y a pas de cartes postales. Les objets et portraits exposés, comme les fresques, sont souvent en piteux état. Même chose à la Synagogue, construite en 1567 sur une partie des jardins du palais donnés aux Juifs par le maharadja. Les carrelages, importés de Canton au 18e siècle, sont peints à la main. J'en trouve quelques photos sur Google, quand même.

Aziz nous raconte que les Juifs sont arrivés en Inde en 72, après la destruction du Temple… qui n'a en fait pas été détruit, et l'exil des juifs… qui sont pour la grande majorité restés en Palestine. Il dit aussi que l'Inquisition, après la prise de Grenade, a persécuté les Juifs et les Protestants (je lui fais remarquer, en tête à tête, que les protestants n'existaient pas encore) et que la mosquée de Cochin, aurait été construite en 629.

Le port, dit "chinois" à cause des carrelets immenses, est crasseux à faire peur ; les marchands de poisson proposent "you buy, we cook", mais nous n'avons pas le goût du suicide ! On est assailli sans relâche de vendeurs en tous genres, à pied ou dans les boutiques, qui vendent tout et n'importe quoi, du foulard imitation pashmina (j'en achète deux pour 290 roupies, ça ne vaut pas plus) aux seringues à douille pour décorer les gâteaux… Emilie en achète une !

En sortant de la synagogue, puis au port, le guide nous laisse 30 à 40 minutes pour faire les boutiques ou nous promener, ce qui revient à répéter "non" et "non, je n'en veux pas" dix fois par minute pour échapper aux offres de bijoux, pashmina, saris, boussoles, boîtes-puzzle, huiles essentielles, colliers, bracelets, baume du tigre, sandal wood, ma'am, good price, yes, discount… Un conducteur de tuk-tuk nous colle à la synagogue, nous retrouve au port, et ne nous lâche que lorsqu'Alain lui dit "Il have my car".

Hôtel, déjeuner, repos… au son d'une perceuse dans le couloir. On avait déjà eu le muezzin à 5h30.

Aziz nous dit qu'hier, un jeune ingénieur, intouchable, a été abattu dans la rue parce qu'il avait épousé une fille d'une caste supérieure. C'est le père de la fille qui a tiré, la fille est elle-même gravement blessée. L'Inde est loin d'avoir échappé aux castes ! Il nous dit aussi qu'il y a beaucoup d'avortements, demandés quand l'échographie révèle que le bébé est une fille. A moyen terme, l'Inde aura le même problème de déficit en filles que la Chine. Dans les bus, hommes et femmes sont séparés.

Certains retournent en ville mais il fait trop chaud et ce n'est pas intéressant. Alain fait la sieste et je vais me tremper dans la piscine, nage six longueurs puis reviens à la chambre. Nous repartons en bus prendre un bateau pour une croisière dans le port, jusqu'au coucher du soleil. Les chaises en plastique sont très inconfortables mais la balade est jolie. Il y a même des dauphins mais impossible de les photographier.

Retour à l'hôtel à 19h15. Nous avons une heure et quart (! !) pour préparer nos affaires et boucler nos valises, qui partent avec le bus, en gardant un minimum pour la nuit et le réveil, puisque nous prenons le train. Nous sortons nos valises à 19h25, puis patientons jusqu'au dîner, à 20h30 et délicieux : soupe de crevettes, et assortiment de poissons grillés.

Mail de Michel qui a réussi son TOEIC avec 835 points. Bravo.

 

Mercredi 16.

Réveil à 5h, départ à 6h pour prendre le train. Voies larges, wagons avec deux rangées de sièges, 3 et 2, wagons non climatisés avec hommes et femmes séparés ; dans les wagons climatisés, il n'y a pas de séparation mais les places sont réservées. Les sièges sont bien fatigués et les toilettes, à la turque, me rappellent les vieux trains de mon enfance. Les portes des wagons restent ouvertes tout le temps du trajet. La clim, très forte, est juste au-dessus de nous et les sweats sont les bienvenus.

Après quatre heures de lecture, nous retrouvons le bus à Calicut, le chauffeur a fait la route hier soir. Pourquoi avons-nous dû prendre le train, qui n'est pas plus rapide ?

Il y a beaucoup de musulmans dans la région de Calicut, donc beaucoup de mosquées. Comme ailleurs, les rues sont assez propres mais les abords des villes et villages sont infects.

Aziz fait passer une feuille pour que nous y inscrivions nos questions. Quelqu'un demande s'il y a des kangourous en Inde ! Ça donne une idée du niveau intellectuel de certains… Bénédicte écrit une tartine sur le "vivre-ensemble", tellement compliquée qu'Aziz n'y comprend rien. Claude lui traduit : comment se passe la cohabitation entre religions ? Aziz répond, brièvement, que les uns et les autres se respectent, demande du temps pour réfléchir, et ne reviendra pas sur la question.

Bref arrêt au bout d'une demi-heure : Aziz achète pour nous des samossas, deux sortes de gâteaux secs arabes, et des bananes, pour compléter le PDDM pris à 5h. C'est très bon.

La route qui monte vers le plateau du Deccan est très tortueuse : neuf virages en épingle à cheveux. Dans l'un, nous croisons une voiture à l'envers, chaque véhicule étant dans la file de l'autre ! Le chauffeur double comme un cinglé, sans aucune visibilité, en prenant pas mal de risques. Il ne supporte pas d'avoir quelqu'un devant lui.

Déjeuner, sans grand appétit, à 13h30. Puis nous traversons une réserve naturelle, qui est fermée de 18h à 6h du matin pour ne pas gêner les animaux. On voit des daims mouchetés, un singe, et Alain hurle pour faire arrêter parce qu'il a vu un éléphant. Le chauffeur doit reculer pour nous mettre à son niveau. Cette éléphante (Aziz dixit) est une vraie starlette : elle avance à petits pas, se tourne d'un côté, de l'autre, pour nous permettre de la photographier depuis le bus. Il n'est pas question de descendre du bus, les animaux sont sauvages. Il y a d'autres éléphants un peu plus loin, mais trop au milieu des broussailles.

Tous les 500 ou 1000 mètres, il y a des gendarmes couchés, pour ralentir les véhicules.

Après la traversée du parc, pas très longue, nous roulons jusqu'à Mysore (prononcer "maïzourou"). Aziz nous reparle, une fois de plus, de la façon dont les maharadjas et sultans indiens ont été dépouillés de leurs états d'abord, puis de leurs biens et de leurs pensions (1947 et 1971), c'est une vraie obsession chez lui !

On arrive à l'hôtel (Sandesh the Prince), très bien, avec un ascenseur en surplomb dans l'entrée. Tout le monde est un peu abruti par cette journée de voyage. La climatisation souffle un air glacé mais la température ne baisse pas au thermomètre. Finalement, on se contente du ventilateur ; il doit faire 25°, et nous sommes à 1000 mètres d'altitude.

 

Jeudi 17.

Réveil à 7h pour aller au Daria Daulat, le palais d'été de Sultan Tipu (1753-1799). En y allant, Aziz nous montre quelques-uns des huit palais du maharadja de Mysore ; en s'arrêtant pour voir l'un d'eux, le car coince un fil téléphonique dans son toit, recule, avance, et le casse en essayant de s'en dégager, puis repart sans souci.

Bref arrêt photo devant un temple des adorateurs du cobra.

Au palais, je photographie un acajou, et, grâce au zoom, un calao gris. D'après Aziz, qui s'emmêle un peu, Sultan Tipu aurait été aidé par Lally Tollendal, guillotiné (!) pour cela sous Louis XVI et réhabilité par Voltaire. Ce brave Lally a en effet été condamné, mais en 1766, réhabilité partiellement grâce à Voltaire, mais il n'a jamais rencontré Tipu.

Le palais est construit essentiellement en teck, et les pouvoirs publics ont ajouté d'affreuses nattes vertes pour mettre l'intérieur à l'abri du soleil. Sur les fresques (no photo, no postcards), très belles mais très abîmées, les Français ont une moustache, signe de virilité, pas les Anglais. Il y a tout une série de petites scènes de la vie à la cour, et tous les sultans et maharadjas de l'Inde sont représentés.

Nous allons ensuite au Mausolée de Sultan Tipu, plus petit mais au moins aussi beau que le Taj Mahal : c'est du granit et non du marbre, finement sculpté et beaucoup plus simple. Là se trouvent les tombeaux de Sultan Tipu, de sa mère et de son père, Hyder Ali. Tipu, sultan de Mysore de 1782 à 1799, lutta farouchement contre les Anglais. Sur le tombeau du sultan, il y a une prétendue peau de tigre, qui n'est qu'une couverture en synthétique. On a dû enlever nos chaussures, comme toujours.

Visite ensuite du marché aux fleurs et légumes de Mysore. Les légumes et fruits sont soigneusement empilés, le plus souvent. Les marchands de fleurs sont innombrables, fleurs coupées de toutes les couleurs, pétales, et beaucoup de fabricants de guirlandes, hommes et femmes, assis en tailleur, enfilant des fleurs sur une ficelle avec une grande aiguille ou les nouant, pour les plus petites.

Après déjeuner, nous allons au palais du Maharadja. Confisqué par le gouvernement en 1971, le maharadja et sa famille ont pu tout de même louer une partie pour y habiter. Après des années de procès, la Cour Suprême a condamné le Karnataka à lui rendre la totalité du palais et à lui rembourser les 46 ans de loyer, avec 9% d'intérêts. Reste à faire exécuter le jugement… L'actuel maharadjah, le 27e, est un jeune homme de 23 ans qui faisait des études à Boston quand il a été choisi par sa famille comme successeur du 26e maharadja ; d'après Aziz, quand il aura récupéré l'intégralité de son palais, il le considèrera comme une propriété privée et le fera fermer au public. Espérons qu'il se montrera plus intelligent que ça !

Nous nous déchaussons, et tant qu'à faire, je reste pieds nus, pour avoir moins chaud. Il faut aussi laisser les appareils photos. Le palais a été construit entre 1897 et 1912 ; la plupart des matériaux ont été importés : teck de Birmanie, porphyre de France, glaces de Venise… On ne peut pas faire de photos de l'intérieur, dommage. Il y a, dans l'entrée, quelques reproductions gréco-romaines, dont la Vénus de Cnide, deux têtes d'éléphants empaillées et un howdah recouvert de 80 kilos d'or, qui sert maintenant à transporter une statue de déesse pour certaines fêtes. Le portail est en cuivre, avec quatre éléphants en bronze à la base. Les murs sont en granit gris, avec des céramiques en bas et beaucoup de décorations en stuc peint au plafond ou sur les colonnes. Les entourages de portes sont en marbre avec des incrustations de pierres semi-précieuses, et les portes elles-mêmes en teck avec des incrustations d'ivoire, ou même en argent pour la porte de la salle du trône. Les galeries intérieures ont été fermées par des fenêtres rajoutées, très laides, pour la grande fureur d'Aziz, comme les fils électriques qui se détachent un peu partout, bien noirs sur le stuc blanc. Les lustres sont en cristal du Val Saint Lambert (près de Liège), et de Baccarat dans la salle du trône. Il y a un drôle d'oiseau à deux têtes un peu partout, c'est l'emblème de Mysore, qui ressemble plus à un canard qu'à un aigle. Il y a une coiffeuse en verre de Venise, des fauteuils avec des pieds en cristal de Bohême, et une très belle série de tableaux représentant des événements de Mysore, très détaillés : ainsi, sur le tableau représentant l'inauguration de l'église Sainte Philomène, on remarque, en arrière-plan, les Rolls du maharadja (il en avait 35) et une banderole, au porche d'entrée, "God bless our maharadjah".

Nous récupérons chaussures et appareils. Les vendeurs nous tannent et Marie-Claude négocie une boîte en bois sculpté 200 roupies (prix de départ, dit-elle, 25€). Du coup, plusieurs personnes en achètent et le vendeur en vend 8 ou 9. Dans la boutique du palais, j'ai acheté un sari de coton pour me faire une jupe.

Nous allons ensuite à la colline de Chamundi voir l'énorme taureau Nandi qui s'y trouve. C'est un monolithe de 5 mètres de haut et 8 mètres de long, vieux de 350 ans. Etonnamment, il n'y a pas de lingam. Il faut se déchausser pour aller sur la plateforme, mais pas sur une autre, un peu plus haute, qui est juste en face. Des vendeurs proposent de minuscules statuettes en bronze de dieux hindous, 125 RS. Je propose 100, OK. On en prend trois : Shiva dansant, Ganesh dansant et Brahma.

En revenant, le chauffeur nous arrête à un marchand de noix de coco fraîches. 20 RS, ce n'est rien. Elles ne sont pas assez mûres et n'ont guère de goût mais c'est tout de même amusant et rafraichissant.

Nous passons dans une nouvelle boutique, la meilleure de toutes celles où Aziz nous a arrêtés car les prix sont plus corrects. J'y achète trois petites boîtes, teck, palissandre et une minuscule en santal, pour 225 RS, 3€.

Nous rentrons à l'hôtel. Aziz repart avec deux personnes, Marie-Claude qui cherche du calicot, et Claude qui veut acheter une montre Tata… On repart à 19h 45, mais le palais n'est pas illuminé, ce soir. Dîner très quelconque à l'Orchid Hotel : personnel peu agréable, buffet réduit, desserts misérables. Après cette journée un peu fatigante, nous aurions préféré rester à l'hôtel.

 

Vendredi 18.

Départ à 8h pour Sravanabelagola. Route tranquille. Beaucoup de maisons en dur, peintes de couleurs vives, avec des toits de tuiles et une citerne sur le toit. Pas d'eau courante mais le téléphone portable marche. Le problème de l'eau est surtout un problème d'infrastructures à mettre en place : captage, approvisionnement, purification, tuyaux d'arrivée, égouts, stations d'épuration…

Arrêt cigarette dans un petit village. Photos de buffle d'eau et de l'arbre à pavot (les graines du pain). Certains vont se promener dans le village mais comme dit Maryvonne, ça fait un peu "voyeur" et on n'y va pas.

Quand le car reprend la route, Aziz nous parle des sâdhus. Les sâdhus dit de main gauche sont des cinglés, affranchis (par eux-mêmes sous prétexte de sainteté) de toute loi et de toute inhibition. Ils vivent nus, mangent des excréments ou des cadavres humains, copulent avec des animaux… Le rapport avec la sainteté n'est pas évident. Les sâdhus dit de main droite vivent seuls, se nourrissent de plantes ou d'aumônes, et se vouent à la méditation. Les seuls qu'on voit sont des faux sâdhus.

Nous sommes sept à monter les 619 marches qui mènent au temple du saint jaïn Bahubali, l'un des fils du fondateur du jaïnisme. Sa statue monolithique de 17 mètres (le chiffre varie de 17 à 19m selon les sites) a été sculptée entre 978 et 983 et a l'air d'avoir été sculptée hier. Tous les douze ans, le site est le lieu d'une importante cérémonie, la Maha Masthaka Abhisheka. Un échafaudage est érigé autour de la statue, que des prêtres arrosent de ghee (beurre clarifié), de miel, d'eau safranée, et décorent de fleurs et de bijoux. Plusieurs milliers de fidèles sont présents. En allant doucement, je monte (en chaussettes), et je ne le regrette pas. Outre une vue ravissante sur le bassin de purification qui est au pied de la colline, la statue est magnifique et il y a tout un tas de sculptures sur les murs et les colonnes, très fines et élégantes. Je prends tout mon temps pour photographier avant de redescendre, doucement aussi. Aziz nous attend (nous sommes les derniers mais pas en retard) et après avoir remis nos chaussures, j'achète une grande bouteille de coca (750ml, 40 RS) que nous vidons avec grand plaisir.

Arrivée au Hoysala Village Resort en début d'après-midi, pour déjeuner. Les chambres sont des bungalows au milieu des arbres et des chants d'oiseaux, jolis et plaisants.

A 15h45, nous partons pour le temple de Chennakeshava, à Belur, dédié à Vishnou. Splendide temple commencé au 12e siècle (1117) et achevé 103 ans plus tard, il a la forme générale d'une étoile et est construit en saponite, la pierre à savon facile à travailler et qui durcit avec le temps. Le gopuram est du 15e siècle et il y a eu pas mal de petits temples rajoutés dans l'enceinte.

Le temple est un enchantement. A l'extérieur, toute la base est constituée d'une série de frises remarquables : de bas en haut des éléphants, tous différents puis, dans des médaillons rectangulaires, des scènes des épopées du Mahâbhârata et du Ramayana, des danseuses, des lions. Les petites scènes sculptées, très fines, font une vingtaine de centimètres de haut, parfois moins. Plus haut, alternent dieux, déesses et leurs serviteurs ou servantes. Au-dessus et sur les côtés des trois entrées du temple, il y a des statues de gardiens menaçants, des lions dressés (emblèmes de la dynastie Hoysala), Garuda (au fronton), Ganesh, Hanuman. Au sommet des colonnes, piliers et pilastres, on voit des apsaras aux parures détaillées, dans des attitudes très élégantes, toutes différentes. Il faudrait des heures pour tout regarder et une vie pour tout comprendre et identifier les scènes. Je photographie tant et plus et fais de même avec les autres temples, plus récents mais aussi beaux, quand Aziz nous laisse un peu de temps. Que du bonheur !

 

Samedi 19.

Le départ n'est qu'à 9h et nous profitons du temps pour recharger les liseuses en prévision du retour. Pas d'Internet, tant pis, nous aurons bien assez tôt des nouvelles et des soucis à retrouver.

Nous allons au temple de Hoysaleshvara, à Halebid, dédié à Shiva et Parvati, et dont la construction, qui a duré 80 ans, s'est achevée avant 1173. Il est en saponite, comme celui de Belur, et du même style. Il y a en fait deux temples, et deux taureaux Nandi, l'un un peu plus grand que l'autre. Même style et même petites scènes sculptées qu'hier. Il faudrait connaître à fond le Ramayana, le Mahabbaratta et les Veda pour s'y retrouver. Il y a aussi un magnifique albizzia dans le champ d'à côté. Des vendeurs de bibelots, évidemment, des pierres à savons grossièrement taillées à la meuleuse et terminées au canif et à la toile émeri, et quelques miniatures en bronze.

La fatigue commence à peser, et le sentiment de la fin du voyage aussi. On fait un bref arrêt pour voir un laboureur, deux brahmanes attelés à un araire assez grossier. Aller et retour dans le même sillon.

Retour à l'hôtel pour déjeuner et boucler les valises (quand ce n'est pas déjà fait) puis route vers Bangalore. On fait circuler des enveloppes pour les pourboires. Beaucoup de cocotiers, toujours, et de palmiers arec (recette du pan : un morceau de noix d'arec enveloppé dans une feuille de poivrier avec une pincée de chaux comme catalyseur). Pas mal de jolies maisons mais aussi des masures, avec une parabole.

Arrivée à Bangalore vers 17h, mais il faut encore une heure pour arriver à l'hôtel au milieu des embouteillages. Nous avons des chambres individuelles, tant mieux. A 23h, le car nous emmène à l'aéroport, Aziz nous a quittés dès l'arrivée à l'hôtel pour rentrer à Chennai. Le soi-disant accompagnateur d'Asia nous largue à l'entrée de l'aéroport et va se coucher. Il faut montrer billet ou passeport pour entrer. Enregistrement des bagages, passeport, fouille, etc, et deux heures et demie d'attente en salle d'embarquement. Avec mes dernières roupies, j'achète une espèce de touron indien, de la noix de cajou pilée avec du sucre, pas mauvais du tout. A peine l'avion décollé, on s'endort, sans même voir l'en-cas distribué par les hôtesses.

L'Inde du Sud est vraiment plus belle que le Rajasthan. C'est dû en partie à la différence de qualité du guide, évidemment, mais c'est aussi une région plus verdoyante, pauvre mais pas miséreuse, aux monuments vivants et donc entretenus. L'Inde donne là une impression de progrès et d'évolution, maîtrisée, dans le respect des traditions, alors que le Rajasthan nous a semblé prisonnier de traditions figées.

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