Mon p'tit frère...

Mon p'tit frère a 40 ans ! 

Comment est-ce possible ?

Il n'y a pourtant pas si longtemps qu'une serveuse du lac de Saint Champ me disait, à son sujet : "c'est votre premier enfant, madame ?" Je regrette encore de ne pas lui avoir répondu, du haut de mes 15 ans, que c'était mon quatrième, rien que pour voir sa tête.

Il n'y a pas si longtemps non plus qu'un petit garçon de 3 ou 4 ans venait gratter à la porte de ma chambre, vers 11 heures du soir, en me disant : "Dis, Florence, j'arrive pas à dormir. Tu peux me raconter une histoire ?" Et je lui racontais l'histoire de la baleine qui voulait maigrir, celle de la tortue piquée par une guêpe, celle de l'ours polaire qui aimait les enfants...

Il n'y a pas si longtemps que je lui donnais ses premières leçons de ski, en le portant sur mes épaules pour prendre le tire-fesse... Il n'a pas tardé à me dépasser, mais c'était prévisible.

Il n'y a vraiment pas longtemps que ce même petit garçon, un peu plus vieux, 8 ou 9 ans, me posait des questions hallucinantes : "Dis, c'est quoi, l'extrême-droite ? Dis, c'est quoi, l'univers ? Dis, pourquoi le ciel est bleu ?" Et qu'est-ce que je me suis creusé la tête pour répondre !

Et puis ce même petit garçon est devenu un ado, puis un adulte, et s'est mis à faire des trucs incroyables : des ascensions plus difficiles les unes que les autres (le Buet, le Mont Blanc, les Ecrins, sans oublier la Sainte Victoire dont il connaît le moindre caillou), suivre une école d'ingénieur, se marier, avoir des enfants, courir le marathon du Médoc, sauter en parachute... et j'en oublie !

On a quelques souvenirs moins heureux, mais le chagrin partagé rapproche aussi : tu as apporté une rose de ma part aux obsèques de Mamie... On a pleuré ensemble à celles de Dominique-Arthur... On a probablement établi un record du nombre de méchancetés à l'heure à celles de Claude, pas à son sujet, bien sûr...

Tu as séduit tes neveux et nièces, ne l'oublions pas, pour qui tu es, grâce à Valérie, "Oncle Renaud vénéré", tout un programme...

Une chance : l'entente de nos deux couples est aussi bonne qu'entre nous deux. On se retrouve de temps en temps, une à deux fois par an, chaque fois aussi simplement que si on s'était quittés la veille.

On partage des bouteilles, du chocolat, de bons petits plats. On troque du cognac contre de la mirabelle. J'échange des recettes de cuisine avec Flo, Alain bricole ton électricité, et tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Mais tout de même, l'idée que mon p'tit frère ait 40 ans, ça me vieillit un grand coup, bien plus que mon propre cinquantenaire !

Alors tant pis pour toi : bien que tu sois un adulte, un grand monsieur très sage, je continuerai à t'appeler "mon p'tit frère", juste histoire de me rajeunir.